Réglementation : propriété artistique et intellectuelle des patients

Conseils et bonnes pratiques autour de la production, la conservation et la diffusion d’éléments visuels et d’œuvres d’art en milieu de soin. 

Synthèse juridique

Statut des productions et droits de leurs auteurs et de leurs héritiers

Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. »

De manière générale, il est recommandé de considérer toutes les réalisations produites en atelier de pratique artistique comme des œuvres de l’esprit. On ne considérera pas le contexte dans lequel ces réalisations ont été produites, ni leur destination, ni si le patient est majeur, sous tutelle, ni si l’auteur est reconnu ou non sur la scène artistique professionnelle, etc. : le simple fait qu’une personne produise une œuvre « personnelle » en fait une œuvre de l’esprit. A ce titre, ces œuvres relèvent du droit de la propriété intellectuelle, et s’appliquent à elles les règles suivantes :

  • Le droit de propriété : l’auteur d’une œuvre est libre de la céder ou de la conserver pour son usage personnel ; s’il choisit de la céder, il peut choisir de le faire à titre gratuit ou à titre onéreux (art. L122-7 du Code de la propriété intellectuelle).
  • Les droits moraux, parmi lesquels, notamment :
    • Le droit de divulgation : l’auteur d’une œuvre peut choisir de la rendre publique ou non, et peut demander le retrait de son œuvre s’il estime qu’elle est diffusée dans un contexte inapproprié.
    • Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre : on ne peut pas modifier ni détruire une œuvre sans l’accord de son auteur, même si elle a été cédée au préalable.
    • Le droit au respect du nom : lors de toute publication, l’œuvre doit être accompagnée du nom de son auteur ou du pseudonyme choisi par son auteur (sauf s’il souhaite rester anonyme).
    • Le droit de retrait et de repentir : l’auteur peut modifier son œuvre déjà diffusée, et peut choisir de la retirer à tout moment, ceci pour des raisons morales (et non pécuniaires).

A l’exception du droit de retrait ou de repentir, qui s’éteint au décès de l’auteur, les droits moraux sont perpétuels. L’auteur ou ses héritiers seront donc fondés à agir s’ils estiment que l’œuvre ou l’esprit dans lequel elle a été créée n’est pas respecté(e).

Foire aux questions

En l’absence de cession formalisée par écrit et signée par l’auteur, une œuvre produite lors d’un atelier doit être considérée comme restant la propriété de son auteur ou de ses héritiers.

Si l’établissement souhaite pouvoir disposer d’une œuvre, il est préférable de formaliser le don par un écrit. Il est recommandé de préciser, dans cet écrit, si l’œuvre est acquise par l’établissement à titre gracieux ou en échange d’une contrepartie financière, et de formaliser le cadre de divulgation que l’auteur autorise : il peut autoriser une présentation publique de son œuvre (exposition), ou émettre le souhait que son œuvre ne soit présentée que dans l’enceinte de l’établissement de soin, ou encore qu’elle soit conservée dans le secret de l’atelier, par exemple.

Il est souhaitable que cet écrit stipule le nom qui devra accompagner l’œuvre. Afin de préserver l’anonymat du patient, on peut choisir que seuls son prénom, éventuellement suivi de son initiale, ou son pseudonyme, soient mentionnés aux côtés de l’œuvre.

Quand aucun don ni cession n’a été notifié par écrit, on ne peut pas savoir à qui appartient l’œuvre, et il est fort à parier qu’en cas de conflit, le juge déterminera que l’œuvre est demeurée la propriété de son auteur ou de ses héritiers. Cela peut poser problème, notamment, après le décès d’un patient : lors de la succession, il arrive souvent que les héritiers souhaitent rentrer en possession des productions de leur aïeul. C’est souvent à ce moment que les établissements se posent (un peu tard) la question de la propriété de l’œuvre.

De même, au regard du droit au respect de l’intégrité de l’œuvre, l’établissement ne sera pas en droit de détruire l’œuvre. Pour respecter les règles de la propriété intellectuelle, il lui faudra retrouver l’auteur et lui remettre sa production, ou obtenir de sa part un document écrit autorisant l’établissement à détruire sa réalisation.

Dans le cas où l’auteur des œuvres est décédé, il faudra suivre la même démarche en direction de ses héritiers.

Lorsqu’une œuvre est produite dans un cadre strictement thérapeutique, lors d’un atelier d’art thérapie par exemple, on peut la considérer comme relevant du secret professionnel, et la conserver à la discrétion du patient et des soignants qui le suivent (art R4127-4 du Code de la Santé Publique). Elle est couverte par le secret médical qui rend les documents incommunicables (art. L213-2 du Code du Patrimoine : 25 ans à compter du décès ou 120 ans à compter de la date de naissance).

Cependant, même après cette durée légale, les œuvres de l’esprit faisant partie du dossier patient ne deviennent pas communicables au même titre que le reste des documents présents. En effet, elles restent toujours couvertes par le droit de propriété intellectuelle qui les rend incommunicables, sauf mention contraire des ayants droits (art. L321-2 du Code des relations publiques et de l’administration).

Sur un plan strictement pratique, il est conseillé de définir, dès la conception de l’atelier, les utilisations qui pourront être faites des réalisations (présentation publique ou non), et les conditions de leur conservation (conservation au sein de l’établissement ou restitution des œuvres à leurs auteurs à l’issue de l’atelier), et d’en informer les participants lors de la première séance. De là découleront les modalités à mettre en œuvre : demander aux participants de bien vouloir signer un formulaire formalisant un don ou une autorisation d’exposition ou de reproduction, par exemple ; ou, au contraire, joindre les productions au dossier médical du patient et les garder sous secret professionnel.

Sur le formulaire qui sera remis à la signature des participants lors de la première séance, on pourra faire figurer une mention autorisation la destruction des œuvres non réclamées au bout d’une période définie.

Au demeurant, il est recommandé de noter les coordonnées de chaque participant lors de sa première venue sur l’atelier, afin de pouvoir le contacter à l’issue du projet. Il sera ainsi possible, ultérieurement, de lui restituer sa production, lui demander une autorisation écrite de diffuser son œuvre, ou encore de signer un acte de cession en faveur de l’établissement. Conserver les coordonnées des participants pourra être utile, aussi, si les axes du projet changent, et que, par exemple, une exposition publique est organisée alors qu’elle n’était pas initialement prévue : il faudra alors revenir vers les auteurs de chaque œuvre pour leur demander l’autorisation d’exposer leur production dans ce nouveau contexte.

Les mêmes précautions sont recommandées pour des ateliers de pratique artistique autres qu’arts visuels (théâtre, danse, musique…), où les participants peuvent être amenés à être photographiés et/ou filmés au cours des ateliers et/ou du spectacle final. Il faudra leur demander de bien vouloir signer une autorisation de fixation, reproduction et exploitation de leur image ; conserver leurs coordonnées pourra permettre de revenir vers eux si l’on souhaite réutiliser ces images dans un contexte non prévu initialement.

Attention, néanmoins, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose que la personne soit informée de la collecte et de la conservation des données personnelles la concernant, et qu’elle puisse y avoir accès pour consultation, rectification ou suppression (mention à faire figurer sur le formulaire qui lui sera remis – se rapprocher du référent RGPD de votre établissement pour établir un formulaire conforme).

On ne saurait que trop recommander de conserver les œuvres dans les meilleures conditions, dans un local sec et tempéré, et protégées de la lumière. L’établissement qui conserve des œuvres est tenu d’assurer leur pérennité.

Il faut savoir qu’une œuvre d’art ne peut être détruite sans l’autorisation de son auteur ou de ses ayant-droits. Pour pouvoir se défaire d’une œuvre, il faudra donc retrouver son auteur ou ses héritiers et la leur restituer, ou leur demander de bien vouloir signer un document attestant qu’ils autorisent l’établissement à la détruire.

Dans le cas où un document atteste que l’œuvre est la propriété de l’établissement, ce dernier pourra choisir de vendre l’œuvre.  A noter que dans le cas où la vente d’une œuvre dépasse un certain montant, un droit de suite pourra être applicable en faveur de l’auteur ou de ses héritiers.

Le droit à la paternité est l’une des composantes du droit d’auteur. Il permet à l’auteur d’exiger que son nom soit mentionné à chaque fois que son œuvre est présentée, lors d’une exposition, sur Internet ou sur un document de communication, par exemple.

Dans le cas des œuvres réalisées dans un contexte médical, ce droit se heurte à la nécessité de préserver l’anonymat des patients. On peut parer à cela en mentionnant seulement le prénom de l’auteur, en l’accompagnant éventuellement d’une initiale, ou encore en lui proposant d’utiliser un pseudonyme. Nous recommandons de convenir de cette dénomination avec l’auteur, et de la formaliser par écrit.

Le formulaire devra être signé par les représentants légaux des mineurs et des patients sous tutelle (dans le cas d’un mineur, la signature des deux parents est requise). Il est formellement conseillé de faire signer aussi le formulaire par le patient lui-même, afin de formaliser son propre consentement. Cette recommandation est applicable pour les mineurs à partir de 13 ans.

Les patients adultes sous curatelle peuvent signer seuls l’autorisation.

Néanmoins, dans le cas de personnes en état de vulnérabilité car malades ou âgées, et/ou pouvant être sous l’influence de médicaments ou de traitements, il est recommandé d’obtenir un avis complémentaire (et écrit) de leur famille ou de leur médecin traitant.

« Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable » (Cass. Civ. 2ème, 30 juin 2004).

Pour pouvoir diffuser une œuvre, une photographie ou un film dans lequel une personne apparaît de manière reconnaissable, il faudra recueillir auprès de la personne photographiée ou filmée l’autorisation écrite de diffuser son image (cette autorisation devra donc être collectée en plus de celle de l’auteur en vue de la diffusion de l’œuvre). Le non-respect de cette obligation est considéré comme une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui et sanctionné à ce titre d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (article 226-1 du code pénal).

Si la personne est sous tutelle ou mineure, l’autorisation doit être donnée par écrit par ses responsables légaux (son tuteur ou ses deux parents dans le cas d’un mineur). Il est recommandé de recueillir aussi l’autorisation écrite de la part du patient, dès lors qu’il a 13 ans ou plus.

Pour être valable, cette autorisation de reproduction et de diffusion doit être précise : elle doit comporter une finalité, une délimitation de durée (« Je donne mon autorisation pour 2 ans, 5 ans, 10 ans… ») et dans l’espace (« pour une reproduction sur tout support et dans le monde entier » est une formulation communément admise).

Cette démarche est valable aussi pour pouvoir diffuser sur papier, sur Internet ou par mail, les photographies qui illustrent un projet (dans le cadre de la communication de l’établissement, par exemple), et sur lesquelles apparaissent des personnes.  

Attention au « droit à l’oubli » : les patients peuvent légitimement souhaiter que leur image ne soit pas associée à celle de l’hôpital psychiatrique, trop souvent stigmatisante. Il est donc judicieux de prévoir des délais de diffusion de leur image qui restent dans des limites raisonnables : 2 à 5 ans par exemple.

Quel que soit le statut ou la situation de la personne, il est nécessaire de recueillir son consentement par écrit.

Si la personne est sous tutelle ou mineure, l’autorisation doit être donnée par écrit par ses responsables légaux (son tuteur ou ses deux parents dans le cas d’un mineur). Il est recommandé de recueillir aussi l’autorisation écrite de la part du patient, dès lors qu’il a 13 ans ou plus.

Attention, pour être valable, le consentement doit être libre et éclairé. Dans le cas de personnes juridiquement capables, mais en état de vulnérabilité car malades ou âgées, et/ou pouvant être sous l’influence de médicaments ou de traitements, il est recommandé d’obtenir un avis complémentaire (et écrit) de leur famille ou de leur médecin traitant.

A moins d’être un spécialiste de l’art, il est périlleux de s’aventurer à déterminer si une production est digne ou non d’être considérée comme une œuvre, et à ce titre, protégée par le droit d’auteur. Par défaut, la production d’une personne doit être considérée comme une œuvre de l’esprit, et à ce titre, elle est protégée par le droit d’auteur.

Avant de présenter une œuvre au public (lors d’une exposition ou en les accrochant dans un service, par exemple), il est recommandé de récolter auprès de son auteur un accord écrit et signé pour présenter l’œuvre dans tel contexte. De la même manière, si l’on souhaite reproduire une œuvre sur un document de communication, par exemple, qu’il soit sur support numérique (site Internet, blog, page Facebook, Instagram…) ou sur support papier (plaquette de communication, affiche, invitation…), il est recommandé de recueillir au préalable l’accord de la personne pour cette reproduction et diffusion de l’œuvre dont elle est l’auteur. Attention, cette autorisation de reproduction et de diffusion doit toujours être assortie d’une durée dans le temps (« Je donne mon autorisation pour 2 ans, 5 ans, 10 ans… » et d’une délimitation dans l’espace (« pour une reproduction sur tout support et une diffusion dans le monde entier » est une formulation communément admise).

Références

  • Le Code de la propriété intellectuelle ici
  • Les droits conférés par le droit d’auteur (fiche technique du Ministère de la Culture) ici
  • Le droit à l’image (fiche de la Direction des affaires juridiques de l’AP-HP) ici 
  • Le droit de suite (œuvres d’art) : ici et ici
  • Le RGPD / Règlement général sur la protection des données (Guide pratique de la CNIL) : ici

Synthèse et FAQ rédigées par Émilie Pigeon (Centre de documentation de la Ferme du Vinatier) avec la participation de Perrine Demaret (Service des archives médicales du Centre hospitalier de Rouffach).

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